Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
leblogdelaville
1 mai 2012

8E ART, UNE COMMANDE PUBLIQUE D'ART DANS UN CONTEXTE D'HABITAT SOCIAL A LYON


TE R R I T O R I A L I T E S   C O L L E C T I V E S


8e art, une commande publique d’art dans un contexte d’habitat social à Lyon


Mercredi 2 mai 2012 18h-19h45 à l’ESAD-GV 25, rue Lesdiguières, Grenoble (salle Brixton)


Par Michel Griscelli, conseiller pour les arts plastiques, DRAC Rhône-Alpes Armando 


Après avoir examiné des interventions artistiques issues d’une concertation entre un artiste et des acteurs sur le territoire, le séminaire porte cette fois son attention sur la forme de la commande publique avec sa dimension institutionnelle, entre art, médiation et politique.


Depuis le début des années 1990, sur le modèle de Strasbourg, les grandes villes françaises accompagnent souvent leurs projets d’aménagement urbain d’ambitieuses commandes publiques au gré desquelles les rapports entre art et espace urbain ont sensiblement évolué. Après Orléans, Nantes ou Paris, Lyon engage à son tour un vaste programme de commandes à l’occasion de deux chantiers importants, l’un sur les Rives de Saône, l’autre dans le quartier des Etats-Unis, célèbre pour avoir accueilli dans les années 20 le premier ensemble français de logement social conçu par Tony Garnier. Baptisé 8e art en référence à l’arrondissement de son implantation, le plus avancé des projets d’art public que lance la capitale rhodanienne prévoie l’installation d’une dizaine d’œuvres de part et d’autre du boulevard des Etats-Unis qui, au sud de la ville, relie le quartier de la Guillotière à Vénissieux.


nouveau_projet_9Quatre œuvres verront le jour d’ici fin 2012 puis cinq ou six autres au cours des deux années suivantes pour un coût global de 2,25 millions d’euros. Karina Bisch, Armando Andrade Tudela, Bojan Sarcevic et Simon Starling sont les artistes dont les projets ont été retenus pour la première phase. Nés entre 1967 et 1975, ils ont en commun, depuis des origines culturelles très différentes, d’avoir entrepris de revisiter certaines formes du modernisme face à l’essoufflement des discours de l’ère postmoderne qui a marqué leur formation. Dans un contexte où la complexité de la commande publique conduit souvent les villes françaises à solliciter les mêmes artistes devenus experts, il faut souligner l’audace du commanditaire qui choisit des artistes sans expérience dans ce domaine.


Initiée en 2007 par le bailleur public Grand Lyon Habitat, cette commande est l’une des rares sinon la seule de cette envergure à être implantée dans un quartier essentiellement marqué par l’histoire du logement social. L’une des ambitions annoncées est de reconsidérer les enjeux du modernisme et leurs relations aux aspects utopiques qui traversent le projet de la Cité industrielle de Tony Garnier. Toutefois l’implantation des œuvres va s’étendre bien au-delà de l’ensemble d’immeubles achevé en 1934 par l’architecte lyonnais qui n’occupe qu’une petite partie du quartier. Afin de revisiter le modernisme jusque dans les traductions fonctionnalistes les plus pauvres que l’architecture dite progressiste en a données depuis les années 50, les sites proposés aux artistes s’étendent sur les deux kilomètres du boulevard. Et si le réaménagement de l’artère occasionné par le tramway vient appuyer l’initiative de cette commande, l’enjeu n’est pas seulement de composer un nouveau paysage cinétique pour les passagers et les automobilistes. Quelques-unes des œuvres nécessiteront de s’écarter de l’artère principale et de frayer son chemin entre les barres d’immeubles tout en offrant l’expérience d’une immersion paysagère à qui voudra y pénétrer.


img2_rightSouvent élaboré à partir d’un axe de circulation, ce nouveau type de commandes a pour ambition d’agir sur l’imaginaire du territoire tant du point de vue du paysage que des pratiques et des usages qu’en ont les habitants. Les œuvres ne sont plus seulement inscrites dans un dialogue avec leur environnement immédiat – comme les 1% le propose souvent – mais, selon une dynamique de parcours, par leur concomitance même, permettent de tisser des liens entre elles à l’échelle de la ville ou d’un quartier. On pourrait parler d’une forme d’exposition collective déplacer à l’échelle de l’urbanisme. Ainsi envisagé, l’art public tente de superposer des modes de circulations abstraits ou mentaux à ceux que conçoivent les aménageurs à partir des règles de la fonctionnalité et des usages de la circulation urbaine. Une forme d’abstraction qui n’est pas sans rappeler celle que le pape Sixte Quint introduisit à Rome au XVIe siècle en s’inspirant les lois de la perspective avec l’installation d’obélisques aux points de croisement des principaux axes de la ville afin de simplifier la circulation des pèlerins. Seulement, trois siècles plus tard, l’enjeu n’est pas de rendre la circulation plus limpide, mais au contraire, d’ajouter des formes de perception et de représentation qui échappent à la lecture fonctionnelle d’un territoire.


La préparation et la mise en œuvre de telles commandes relèvent d’un long processus et d’une méthodologie que le ministère de la Culture s’est employé à préciser au fil des expériences en préconisant la formation de plusieurs groupes de travail. Un comité de pilotage porte l’initiative au niveau politique et encadre son financement, un comité technique artistique définit les enjeux de la commande et orchestre toutes les étapes de sa réalisation sous la houlette d’un chef de projet, en l’occurrence le commissaire d’expositions et critique d’art Andrea Bellini, depuis peu co-directeur du musée d’art contemporain du Castello di Rivoli près de Turin, dont c’est, comme pour les artistes, la première expérience de ce type. Et enfin un comité technique de médiation culturelle dont la mission est d’assurer à cette commande les meilleures chances d’être reçue et perçue au niveau du tissu social et culturel sur le territoire. A en juger par le dossier de presse qui consacre autant de place à la présentation des artistes et des œuvres qu’au dispositif de médiation, c’est là le point névralgique de l’affaire. Parce que sans médiation, les œuvres sont incomplètes, affirme tout simplement Yvon Deschamps, président de Grand Lyon Habitat.


kioskLorsque le débat public s’empare d’un projet architectural ou d’aménagement urbain, il discute sa forme, ses fonctions, son coût, etc., mais ne met jamais en cause, en tant que telle, la nécessité même de construire ou d’aménager la ville. Toute la difficulté d’une commande artistique dans l’espace public réside dans la fragilité de sa nécessité : alors que je l’interrogeais à propos de  8e art la responsable du magasin Broadway chaussures devant lequel l’œuvre de  Karina Bisch sera installée évoquait, d’après les dire d’un client, une statue qui va coûter cher. Quelle que soit leur qualité, de telles commandes présentent l’intérêt de réintroduire chaque fois au cœur de la cité la question première de la nécessité. D’où l’insistance des commanditaires sur la notion d’appropriation de la commande qu’ils traduisent parfois par le vœu de rendre les gens acteurs du projet en y participant d’une manière ou d’une autre (Yvon Deschamps).


Outre les conventionnelles expositions de maquettes et de documentation sur les projets,  8e art comporte un grand nombre d’initiatives de médiation : création d’ateliers destinés à de jeunes artistes, sensibilisation à la création plastique contemporaine par des ateliers pratiques et des expositions dans un ancien magasin réaffecté à cet effet, un lieu d’exposition dans les locaux de Grand Lyon Habitat dédié aux amateurs, ou encore l’enregistrement photographique, le recueil de paroles ainsi que des actions postales confiés à l’artiste Cyrille Weiner durant toute la durée de la commande.


Le plus souvent déclenché par une personnalité éclairée et chargée de quelque pouvoir dans la cité, en l’occurrence Yvon Deschamps, président de Grand Lyon Habitat, la commande artistique publique doit accomplir un déplacement politique complexe : faire en sorte que les habitants d’un territoire partagent autant que possible une demande d’art qui n’émane pas d’eux.


©Emmanuel Hermange


Territorialités collectives est un séminaire animé par Emmanuel Hermange, Ecole supérieure d'art design de Grenoble-Valence


Lieu


ESAD-GV 25, rue Lesdiguières 38000 Grenoble Salle Brixton


Contact


emmanuel.hermange@esad-gv.fr ………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

Leblogdelaville annonce le programme du séminaire Territorialités collectives. Il est l’une de ses sources importantes d’informations sur les actions et les réflexions menées dans plusieurs des champs qui intéressent le séminaire.


Photos  : Andrade Tudela et Augusto Román, Projet de Patio rue du professeur Beauvisage, dessin préparatoire, 2010 et L’oeuvre Kiosk de Karina Bisch



Publicité
Publicité
Commentaires
leblogdelaville
Publicité
Derniers commentaires
Publicité