Construction du corps
La Construction du corps et
fabrique de l'architecture
Figures, histoire, spectacle
Marc Perelman
Ed du Verdier 1999
L’objectif de cet essai est la mise au jour d’une intelligibilité des
rapports historiquement institués entre le corps, l’architecture et la
ville. Sans prétendre faire l’inventaire de ces multiples liens,
l’auteur a cherché à en dégager et analyser les moments forts, les
noyaux durs, les structures pérennes. Il constate d’emblée qu’au cœur
des rapports établis entre le corps humain et l’espace construit, il
est question d’un puissant mouvement de soumission sinon d’exploitation
dont l’auteur veut rendre compte par une critique engagée.
Une fois abordée l’analyse de l’implication du corps dans le projet
d’architecture, l’auteur s’est intéressé à définir la cristallisation
d’une symbolique corporelle de l’architecture, et à mettre ainsi en
lumière la projection de la structure corporelle (de parties du corps
ou du corps tout entier) dans l’architecture. Plus loin, l’auteur a
voulu montrer la forte structuration de l’inconscient collectif par la
visualisation unique (une logique du visuel, un ordre visuel) ; il
évoque l’immense poids historique de l’architecture et de la ville en
tant que concrétion visuelle massive, à savoir la forme cristallisée
géante de cette onde longue matérialisée par l’urbanisation totale des
sociétés. Ce faisant, il analyse l’emprise permanente du
fonctionnalisme sur l’ensemble de l’architecture : par
l’intériorisation violente, dans le corps, de cet espace urbanisé et
unifié en tant que forme géométrique radicale assignée à l’axiologie
perspective, et par la production répétitive de la cellule-enveloppe du
corps, une forme sociale et surtout politique qui prend possession de
l’espace, le fabrique, et crée son propre temps à l’ère moderne. Tout
au long de cet essai, l’auteur analyse et caractérise le corps
socialisé de l’ère moderne en tant que construction et maintenant forme
quasi-architecturée et réifiée, encadrée par l’urbanisme misérable,
bref ce corps qui sent la mort dans un espace en lente décomposition.
Étayée théoriquement par de nombreux apports extérieurs au strict champ
de l’architecture (psychanalyse, philosophie, sociologie…), l’analyse
s’est également développée par rapport au statut et à la situation du
corps dans la représentation picturale, celle-ci indéfectiblement liée
chez Giotto à un cadre architecturé, peint ou réel. L’essai montre
encore comment le corps intervient directement dans les expériences
perspectives et dans les réalisations de Filippo Brunelleschi, à
l’instar de l’édification de la coupole du Dôme de Florence.
Dans cet essai, l’auteur, loin de souhaiter produire une architecture
critique, en appelle à fonder une critique de l’architecture qui ne
soit pas une utopie pour le corps mais le corps de l’utopie. Si l’on ne
sait toujours pas ce que pourrait devenir l’architecture à l’endroit du
corps, au moins sait-on maintenant ce qu’elle ne doit plus être.