L’espace public, espace oublié, espace hybride
Espace public et sécurité
ANNE WYVEKENS
Problèmes politiques et sociaux
La Documentation française
N°930 novembre 2006
120 pages
L'urbanisme moderne a nié l'espace public qui est devenu
souvent un espace non attribué, un espace dont on ne s'est
jamais beaucoup occupé. Oublié par les urbanistes, il
est en revanche " approprié " par les marchands, qui
inventent les " espaces ouverts au public ", la "
propriété privée de masse " : centres
commerciaux, centres de loisirs, complexes résidentiels
fermés...Comment produire de la sécurité dans
l'espace public pour en préserver la qualité ou pour la
restaurer ?
Aux États-Unis, des criminologues qui prennent en
compte la qualité de l'espace, des architectes qui se
préoccupent de sa surveillance développent des théories
convergentes. Pour les premiers, les habitants doivent aider la
police (et la police s'appuyer sur eux) pour assurer la sécurité
de leur quartier ; pour les autres, les habitants ont un rôle à
jouer, alternatif à celui de la police, dans la surveillance
de leur environnement.
Après une certaine méfiance, ces analyses commencent
à trouver un écho en France : il existe aujourd'hui des
réussites dans l'aménagement des espaces et des
pratiques prometteuses de régulation " par le bas ",
spontanées ou suscitées, plus ou moins organisées.
Lutter contre l'insécurité revient à "
approprier " l'espace de façon qu'il ne soit abandonné
à personne ni, de ce fait, au plus fort, sans pour autant le
fermer.
Pour que l'espace public soit sûr, il faut qu'il soit "
habité ", qu'il le soit de la façon la plus
continue possible, par le plus de gens possible. Un espace public où
règne la mixité, la variété, un espace
public attrayant, où il fait bon se trouver, sera par là
même potentiellement un espace sûr. La question de la
sécurité réactive est ainsi celle des
réappropriations citoyennes et politiques de l'espace public.
L'enjeu est capital : c'est celui de l'apparition d'un "
autre contrôle social ", non plus étatique, mais
citoyen, l'ordre du lieu venant en quelque sorte prendre le relais du
" maintien de l'ordre ", dans un espace que l'on
s'efforcerait de rendre commun, plutôt que public.