Corps surveillé
Dénouer les fils entre corporéité et technologies
contemporaines 3/Corps biopolitisé, corps surveillé ? Avec Antoinette Rouvroy, FUNDP et Ayse Ceyhan, Sciences Po/GEEST.
Dans le contexte des politiques sécuritaires contemporaines, de nouvelles
technologies sont mises au point afin de lire les informations corporelles
importantes, par exemple pour des objectifs de surveillance. Les techniques de
biométrie, telles la reconnaissance de l’iris et des empreintes digitales, se
révèlent inventives de moyens de lecture du corps. Ce dernier acquiert une
incroyable valeur d’authenticité dans sa représentation scientifique. Plus, il
devient véritablement chair de vérité scientifique, certains auteurs en
venant à constater que le corps ne ment pas, sous-entendant par là que les
individus, eux, le peuvent. Ainsi, les techniques biométriques deviennent
routinières dans les milieux économiques, notamment dans les départements de
marketing afin de construire des statistiques de comportements de consommation
et de goûts normalisés par des techniques de modélisation par ordinateur.
Ainsi, politiquement, les techniques biométriques aident dangereusement à la
fabrication sociale de suspects.
Cette vision noire de la lecture technologique des corps rend compte d’un
continuum biopolitique. Les sociétés contemporaines laissent le soin de la
fabrication de l’identité intime aux individus eux-mêmes, mais ont souvent la
tentation d’enfreindre les règlementations sur la protection de la vie privée
en s’accordant le droit à la lecture et capture d’informations concernant les
corps des individus, souvent sans leur consentement. Le corps est donc
considéré comme une matière à capturer, lire, interpréter en fonctions
d’algorithmes. Il est réduit à des parties de corps et à des ensembles de
données. On peut parler d’un corps désubjectivé de l’individu, dans lequel il
s’incarne pourtant.