Espaces publics londoniens
La place des marginaux dans les
espaces publics londoniens :
culture des rues, mobilisations sociales
et contrôle de l’espace urbain
Laurent
VISETTI
Thèse sous la direction d’Olivier Schwartz.
Objectifs, questions
L’étude se
propose de décrire le phénomène de
décloisonnement géographique de la pauvreté et
de « publicisation » de la marginalité qui marque
la vie sociale des grandes cités européennes depuis le
milieu des années 1980, et ce en en se concentrant sur
l’analyse du cas de la capitale britannique.
En premier lieu,
l’étude tachera d’éclairer les nouvelles formes de
territorialisation dont sont l’objet les espaces publics urbains en
se plaçant du point de vue des évolutions internes au
monde de la marginalité : en plus d’une étude macro
sociologique des conditions structurelles conduisant à la
constitution des lieux publics comme de nouveaux espace-refuge pour
les franges les plus précarisées de la société
anglaise, il s’agira de se demander dans quelle mesure le
décloisonnement de la pauvreté est lié à
une transformation du sens que revêtent les lieux publics
auprès des groupes sociaux les plus marginaux, et à la
nouvelle place de choix que ces espaces ont acquise dans le cadre des
luttes pour l’accès à une visibilité et une
reconnaissance sociale.
Deuxièmement, le travail de
recherche consistera à analyser le développement de
cette marginalité publique du point de vue de ses conséquences
urbaines et micro-politiques : plus précisément, il
s’agira d’étudier les liens qui ont pu se tisser depuis le
milieu des années 1980 entre, d’une part, la diffusion de la
marginalité dans des quartiers qui y étaient jusque-là
hermétiques, et d’autre part, la recomposition des modes
hérités de contrôle de l’espace de la ville et
des formes habituelles de mobilisation politique locale.
Lutte
des marginaux pour une visibilité sociale, recomposition des
modes de contrôle des espaces publics urbains, formes
changeantes des mobilisations politiques locales : ces trois thèmes
serviront de fils conducteurs à une enquête
socio-historique et ethnographique basée sur l’étude
comparée de l’évolution récente de deux
quartiers situés dans le nord de Londres (Camden Town et
King’s Cross). Le but est de décrire de manière
précise les points de contact théoriques et pratiques
existant entre les espaces publics et les luttes sociales qui
opposent les groupes désireux de se forger une place dans
l’ordre urbain contemporain. La question de la place nouvelle des
marginaux dans l’espace public londonien servira donc
essentiellement de prisme à travers lequel lire les formes
actuelles de la concurrence généralisée pour
l’accès à l’espace urbain, analyser les nouveaux
équilibres sociologiques et politiques qui caractérisent
les grandes villes européennes et essayer de comprendre le
rôle que joue la fréquentation des espaces publics dans
la constitution des identités collectives.
Description, méthodologie
Dans le
cadre de ce programme de recherche, l’enquête consistera à
utiliser les deux quartiers évoqués comme de véritables
laboratoires sociaux capables de révéler ou de
souligner les tendances actuelles de la relation sociale et politique
aux espaces publics et à la marginalité.
Du point
de vue des opérations et des pratiques concrètes
d’enquête, nous privilégierons les méthodes
ethnographiques d’observation participante dans la production d’un
corpus de données empiriques : d’une part, afin de pouvoir
saisir au plus près les logiques qui sous-tendent la vie dans
les espaces publics et le développement de cultures marginales
des rues ; d’autre part, pour mieux comprendre au quotidien, et
dans les lieux mêmes où les équilibres locaux
sont construits et reproduits, la manière et la mesure avec
lesquelles la marginalité en public peut transformer la vie
ordinaire des citadins, contribuer à générer de
nouveaux clivages politiques et mettre en mouvement les acteurs
sociaux.
A ce titre, l’analyse comparée du rapport entre
présence publique des marginaux et mobilisation des habitants
dans deux quartiers différents (mais néanmoins
géographiquement contigus) aura directement pour but de
mesurer l’impact social relatif de la marginalité publique
en fonction de la composition sociologique des unités
géographiques retenues.